La Planète des singes

La Planète des singes - Le film de 1968

Affiche du film

Synopsis

En 1972, quatre astronautes américains partent pour la constellation d’Orion. Leur voyage se déroulant à une vitesse proche de celle de la lumière, il durera six mois pour eux (en hibernation), mais en temps terrestre c’est en 2673 qu’ils arriveront à destination (d’après la théorie d’un « docteur Azlein » ; tant pis pour Albert Einstein). Mais c’est deux mille ans plus tard que le vaisseau se crashe sur une planète inconnue, dans un lagon situé en plein désert. L’un des astronautes est mort durant le voyage ; les trois autres naufragés, Taylor, Landon et Dodge, évacuent d’urgence leur capsule en train de couler.

Leur « traversée du désert » dure trois jours, à l’issue desquels ils trouvent un lac et une forêt luxuriante. Des sortes d’épouvantails dressés au sommet d’une colline leur montrent que la planète est habitée. De fait, ils trouvent sur une tribu d’hommes sauvages, muets (mais pas nus, décence cinématographique oblige), qui les dépouillent de leurs vêtements modernes et de leur équipement technologique. Les trois astronautes « civilisés » ne doutent pas qu’ils seront bientôt les maîtres de la planète, lorsqu’ils sont pris en chasse par des gorilles à cheval, armés de fusils et de filets. Landon est tué, Dodge capturé, ainsi que Taylor, de surcroît blessé à la gorge.

Il se réveille dans une cage, au sein d’un laboratoire dont la raison d’être est étudier l’anatomie humaine pour faire progresser la chirurgie simiesque. Il comprend que la planète sur laquelle il a atterri est dominé par trois races de singes (gorilles, chimpanzés, orangs-outans), et que ici l’homme est une bête sauvage, chassée, asservie, méprisée... et crainte, aussi, comme on craint une vermine. N’ayant pas encore recouvré l’usage de la parole, il parvient toutefois à attirer l’attention du docteur Zira, une chimpanzé, qui voit en lui un spécimen particulièrement intéressant. Quand il parvient à communiquer par écrit, il est aussitôt sorti de sa cage et tente d’expliquer à Zira et à Cornélius, son fiancé, d’où il vient, mais les deux chimpanzés sont incrédules. Cornélius, qui est archéologue, voit plutôt en Taylor le chaînon manquant qui prouverait une idée hérétique selon laquelle le singe descend de l’homme.

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Confronté au « phénomène », le docteur Zaius, l’orang-outang ministre de la science et gardien de la foi, est aussitôt hostile à Taylor et décide de le faire tuer. Taylor s’échappe ; au cours de sa fuite, il trouve Dodge... empaillé dans un musée. Alors qu’il est rattrapé, il parvient à parler, devant une assemblée de singes stupéfiés. Peu après, Taylor est présenté devant un tribunal d’orangs-outangs qui doivent juger Zira et Cornélius, accusés d’hérésie. Taylor tente de convaincre les juges qu’il est un être pensant, mais il ne peut rien devant la « mauvaise foi » des conservateurs gardiens de la foi. Taylor est condamné à la lobotomie : il s’agit de faire disparaître l’humain parlant, preuve gênante qu’il a existé une civilisation humaine avant la civilisation simiesque, contrairement à ce qu’affirment les Rouleaux Sacrés écrits par le Grand Législateur. Auparavant, Zaius essaie de faire avouer à Taylor d’où il vient réellement, car il pense qu’il existe, dans la Zone Interdite où Taylor a atterri, toute une colonie d’humains parlants, pour le peuple singe une menace qu’il faut à tout prix éradiquer.

La nuit, Cornélius et Zira font évader Taylor et Nova, l’humaine sauvage pour qui il s’est pris d’affection. Tous chevauchent vers la Zone Interdite : là-bas, Cornélius veut trouver la preuve de ses théories, seul moyen pour lui d’être réhabilité aupès de la communauté scientifique. La Zone Interdite est une zone déclarée tabou par le Législateur, dans les Rouleaux Sacrés écrits il y a 1200 ans. Mais lors de fouilles pratiquées un an auparavant, Cornélius y a découvert, dans une grotte au bord de la mer, des armes de bronze et de pierre datant de 1300 à 1400 ans auparavant, ainsi que des objets datant de plus de deux mille ans qui témoignent de l’existence passée d’une technologie supérieure à celle de l’époque actuelle.

Les fugitifs sont rattrapés par Zaius et des gorilles armés. Taylor exhibe une poupée trouvée dans la grotte : une poupée humaine... qui dit « Maman ». La preuve ultime que l’homme a dominé la planète avant les singes, et que les singes lui doivent leur civilisation. Taylor fait ses adieux à Zira et Cornélius et se met en route avec Nova. Il longe la plage au cœur de la Zone Interdite, jusqu’à ce qu’il comprenne enfin pourquoi la région est tabou pour les singes : la planète sur laquelle il a atterri n’est autre que la Terre du futur. A genoux devant ce qui reste de la Statue de la Liberté, les poings martelant le sable humide, il maudit les hommes du passé, les criminels qui ont fini par faire sauter leurs maudites bombes nucléaires.

Commentaires

En apparence, le film de Schaffner a peu à voir avec le roman de Boulle. On retrouve certes des personnages importants (Zira, Cornélius, Zaius, Nova), l’utilisation de la théorie de la relativité restreinte, l’idée du renversement des rôles hommes / singes, la scène de la chasse, la relation ambiguë entre Taylor et Zira (mais encore plus ténue que dans le roman, nous sommes tout de même en 1968 ; et encore en 2001, Tim Burton ne parviendra pas à briser le tabou). Mais tout ceci mis à part, le scénario de Michael Wilson et Rod Serling est très éloigné de l’histoire imaginée par Boulle. Le film comporte plus d’action que le conte philosophique dont il est tiré, le niveau de développement des singes est bien inférieur à l’équivalent des années 1950 décrites par l’écrivain, les singes parlent la même langue que Taylor (question de facilité scénaristique). Sans oublier la fameuse scène finale qui est une pure innovation des scénaristes : dans le roman, Soror n’est pas la Terre.

Malgré tout, le film est resté fidèle à l’esprit et au propos du roman : montrer la précarité de la condition humaine, l’aspect éphémère de sa supériorité. Comme Boulle, plus encore peut-être, Schaffner se montre très dur envers ses congénères. Que ce soit à travers le personnage de Taylor, un peu cynique, un peu misanthrope (au début du film, c’est sans regret qu’il laisse à jamais son 20ème siècle derrière lui), ou bien le réquisitoire final de Zaius contre l’homme (qui tue son frère par avidité, détruit tout ce qu’il touche, et est pire qu’une nuée de sauterelles).

Et si le film est beaucoup plus cauchemardesque que le roman, il n’est pas dénué d’ironie. Dans la toute première scène, Taylor s’interroge sur l’avenir de l’humanité et se demande si, dans le futur, l’homme se sera amélioré moralement ; la suite répondra à ses questions ! Ou bien c’est l’astronaute Landon qui, à des siècles et des années lumières de son monde natal qu’il ne reverra jamais, ne peut s’empêcher de planter un dérisoire petit drapeau américain sur la terra incognita. Le même Landon s’est porté volontaire pour cette mission d’exploration uniquement pour la gloire et l’immortalité : c’est l’immortalité de l’humanité toute entière qui sera foulée au pied tout au long du film. Un peu avant, le visage décomposé de l’astronaute morte Carole, presque simiesque, constituait déjà un avertissement, une mise en abîme du destin de l’humanité.

Et d’autres scènes encore. La mauvaise foi de Zaius devant l’évidence, la scène du procès, ne manque pas d’humour (les orangs-outangs se bouchent les oreilles pour ne pas entendre le raisonnement de Taylor). Schaffner nous renvoit directement à la manière dont jadis (ou aujourd’hui encore, hélas) les blancs ont traité les noirs, les hommes ont considéré les femmes, les colons ont dominé les indigènes, des religions ont affirmé détenir la vrai foi : « Le Tout Puissant a créé le singe à son image », affirmera Zaius en s’appuyant sur les Rouleaux Sacrés, ajoutant que « Les hommes n’ont pas d’âme » ; il en veut pour preuve que Taylor n’a jamais lu les Rouleaux Sacrés !

L’humour noir est présent jusque dans la scène finale (un point commun avec le roman) : c’est par la Statue de la Liberté (!) que la vérité est révélée à Taylor...

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Mais ne faisons pas de La Planète des singes une comédie. Le cauchemar vécu par Taylor est rendu poignant tout au long du film. Humains en cages, tenus en laisse, cadavres suspendus par les pieds, traités comme des trophées par le gorille chasseur qui se fait photographier. Les gorilles, brutaux, font souvent frémir. Et toute la détresse de Taylor tombé dans ce monde sans dessus dessous explose dans la scène où, incapable de faire valoir sa dignité d’être pensant, encagé, brutalisé par un gorille, il hurle : « C’est un monde de fous ! ». La remarquable partition musicale de Jerry Goldsmith qui hante tout le film participe au sentiment d’angoisse qui étreint le spectateur.

Le propos de Schaffner s’appuie sur une mise en scène impeccable. Le réalisateur use d’un art consommé du suspense. Les singes, autant dire les « vedettes » du film, mettent rien moins qu’une demi-heure à apparaître (Spielberg s’appuiera sur la même attente, mais pour d’autres bébêttes, dans Jurassik Park). Lorsque la chasse commence – une scène muette, violente, éprouvante, durant plusieurs minutes –, on n’entr’aperçoit tout d’abord que des bâtons brandis dans la végétation pour effrayer les humains, des fusils, des silhouettes à cheval. De même, la scène où Taylor et Nova se dirigent vers la Statue de la Liberté dure deux bonnes minutes, deux minutes dénuées de la moindre action durant lesquelles Schaffner laisse la pression monter après avoir fait miroiter une révélation. Enfin, lorsque Taylor maudit l’humanité, le réalisateur pousse le vice jusqu’à ce pas montrer la statue – ou bien juste les pointes de sa couronne –, attendant la toute dernière seconde pour nous montrer le plan final d’un humain prostré devant ce qui reste de grande dame new-yorkaise. Il est des scènes qui assurent à elles seules l’immortalité d’un film. La Statue de la Liberté de La Planète des singes en fait incontestablement partie.

Pour terminer, il convient de signaler les décors : le choix des déserts d’Arizona et de l’Utah pour la première partie, la conception de la ville des singes, dont l’étrange architecture fait penser à un village troglodyte. Et surtout les extraordinaires maquillages de John Chambers. Véritable prouesse technique à l’époque (78 techniciens furent réquisitionnés pour les quelques 200 singes du film), ils restent remarquables aujourd’hui encore, même si le film de Tim Burton en a souligné les défauts : visages et costumes des singes trop peu personnalisés, mouvements de la bouche trop figés.

En 1968, Schaffner a ni plus ni moins donné naissance à un classique du cinéma de SF, un film intelligent et maîtrisé qui, plus de trente ans après, se laisse voir et revoir avec le même plaisir.

Fiche technique

Film de : Franklin J. Schaffner - 1968 (1h52)

Scénario : Michael Wilson, Rod Serling

Musique : Jerry Goldsmith

Effets spéciaux : L.B. Abbott, Art Cruickshank, Emil Kosa Jr., John Chambers

Interprètes : Charlton Heston (George Taylor), Roddy McDowall (Dr. Cornélius), Kim Hunter (Dr. Zira), Maurice Evans (Dr. Zaius), James Whitmore (le président de l’assemblée), James Daly (Dr. Honorious), Linda Harrison (Nova), Robert Gunner (Landon), Lou Wagner (Lucius), Woodrow Parfrey (Dr. Maximus), Jeff Burton (Dodge), Buck Kartalian (Julius), Norman Burton (chef des chasseurs), Wright King (Dr. Galen), Paul Lambert (Ministre)

Dans les coulisses

Après avoir travaillé pour la télévision dans les années 1950, Franklin J. Schaffner (1920-1989) réalise quelques films dans les années 1960 avant de connaître le succès avec La Planète des singes. Son film suivant, Patton, sera récompensé par plusieurs Oscars. Il a produit et réalisé une quinzaine de films, parmi lesquels Papillon.

Né en 1922, mort en 1973, Arthur P. Jacobs a produit une quinzaine de films. Surtout connu pour les cinq opus de La Planète des singes, il a aussi produit Tom Swayer, Huckleberry Fin, Docteur Dolittle (1967). C’est en 1963 qu’il achète les droits du roman de Pierre Boulle. Le film naîtra en 1968, malgré le scepticisme de nombreux studios.

John Chambers (1923–2001) a commencé sa carrière pour le cinéma... dans un hôpital, où il réalisait des prothèses et des moulages anatomiques. Les connaissances et techniques ainsi apprises lui ouvrent les portes de la télévision, dans les années 1950, puis du cinéma. Au cours de ses trente années de carrière, il révolutionnera le domaine des effets spéciaux et du maquillage, devenant une légende, et il sera plusieurs fois récompensé. Il a travaillé sur Star Trek (la série), Phantom of the Paradise, L’Île du docteur Moreau, Halloween 2, Blade Runner, et bien sûr la série des Planète des singes.

Né en 1929, Jerry Goldsmith a composé pour un très grand nombre de films, parmi lesquels on citera La Quatrième dimension, La Planète des singes, les Alien, la plupart des films Star Trek, Poltergeist, Total Recall, Basic Instinct, Congo, Le Treizième guerrier, Hollow man, La Momie.

Roddy McDowall

De nationalité anglaise, Roddy McDowall (1928–1998) a commencé sa carrière à la fin des années 1930. Il est apparu dans de nombreuses séries TV (dont La Quatrième dimension, Alfred Hitchcock présente, Les Envahisseurs, Mission : Impossible, Batman), et dans plus d’une centaine de films. Il interprète Cornélius dans les trois premiers films de La Planète des singes, César dans les deux derniers, et Galen dans la série TV.

Kim Hunter

Née en 1922, Kim Hunter a fait plusieurs apparitions dans des séries télévisées, et dans une cinquantaine de films, dont Un Tramway nommé désir et les trois premiers Planète des singes, où elle interprétait le docteur Zira.

Acteur de théâtre réputé (il est également apparu dans plusieurs adaptations télévisées de pièces de Shakespeare), Maurice Evans (1901–1989) a tourné dans une quarantaine de films, dont Rosemary’s baby, et les deux premiers Planètes des singes dans lesquels il campait le docteur Zaius.

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